Participants : Baptiste (notre guide), Martine, Bernard et moi (Marc B.)
Jour 1, mercredi 5 – Montée au refuge de Tré-la-tête
Martine, Bernard et moi (Marc B.) sommes arrivés au parking du Cugnon (Contamines-Montjoie) en fin de matinée par une météo excellente. Le rendez-vous à 14h au parking de la Frasse pour récupérer Baptiste, notre guide, est vite décalé à 15h30. Je monte à la rencontre du groupe qui nous a précédé et je retrouve Baptiste et Guy sur le chemin vers le Lac d’Armencette. Ils ont laissé François et Patrick M. un peu plus haut pour ne pas trop retarder le départ du groupe 2 vers le refuge de Tré-la-tête.
Navette faite, nous (le groupe 2) partons, skis sur le sac, vers notre étape du soir. Baptiste démarre ainsi son 2° tour, mais comme ça ne suffit pas tout à fait pour entamer son énergie, on se paye un petit aller-retour d’une demi-heure en prime ! Nous chaussons les skis -disons pour le dernier tiers- et arrivons au refuge (1969m) peu après la gardienne Marielle qui est passée aux urgences ce jour, et vient d’en revenir en hélico. Elle nous rassure sur son état : c’est juste son cœur qui s’était arrêté de battre ! (sic)
Nous sommes seuls clients, passons une bonne nuit et petit-déjeunons en compagnie de la gardienne qui tient à maintenir la tradition et n’est pas passée aux « petits-déjeuners-thermos » qui se généralisent.
Jour 2, jeudi 6 – Pain de Sucre du Mont Tondu, refuge des Conscrits
Départ en peaux à 7h30. Le beau temps est toujours de la partie. Nous atteignons rapidement et facilement le « Mauvais Pas », c’est-à-dire une assez courte descente vers la langue terminale du glacier de Tré-la-Tête. C’est l’occasion de nous tester en crampons sur les dalles un peu glacées.
Nous repeautons pour reprendre la marche vers le haut dans un décor qui commence à ressembler à de la (haute-)montagne ! Baptiste nous a appâtés en nous parlant d’une grotte de glace bientôt à notre gauche. Il y a 3 jours, au Refuge des Conscrits, un groupe CAF lui a même dit l’avoir traversée ! Nous y arrivons et nous y engageons. C’est vraiment magnifique !
Nous traversons ensuite le glacier de Tré-la-tête pour prendre pied sur les premières pentes du Glacier de Mont Tondu. Grâce au rythme plan-plan que mes camarades acceptent de prendre, je ne suis pas dans le rouge. La montée est assez régulière et, dans un cadre grandiose, débouche vers 3050 sur la pente finale qui débouche sur le Pain-de-Sucre-du-Mont-Tondu. Je m’arrête là pour garder assez d’énergie pour profiter au mieux de la descente. Les autres font l’aller-retour au sommet. Nous nous retrouvons pour nous lancer dans une splendide descente, selon nous mieux optimisée en terme de ski que les 2 seules personnes que nous avons croisées !
Après la traversée du glacier de T-l-T, rapide casse-croute avant la remontée vers le refuge des Conscrits. Le soleil a bien chauffé avant de commencer de se cacher. J’arrive au refuge bien après les autres car j’ai fait la fin en « bottant » sérieusement.
Entracte
Après notre arrivée aux Conscrits, la météo continue de ne pas s’arranger. Il est temps de voir les prévisions pour le lendemain et au-delà, d’adapter notre programme et pour cela, de négocier avec nos autorités respectives !
Les prévisions sont très claires : neige vendredi, grand beau samedi. Le résultat des négociations nous permet de programmer les Dômes samedi !
Jour 3, vendredi 7 – Purée de Pois sous la Bérangère
Il un peu neigé toute la nuit. Au réveil, ça a déposé une petite 10ne de cm. Départ à 8h, dans un peu de brouillard et des averses de neige abondantes par moments. Les masques sont de sortie, pas tous dans le meilleur état qui soit ! Nous montons 2 petites heures sans que cela s’améliore, bien au contraire ! Nous devons laisser tomber au bout de 2 petites heures , entre le jour blanc et les masques givrés, « on y voit goutte » ! Malgré la neige très douce, la descente ne va pas être top. Baptiste nous fait le coup de Zorro : il installe 5 m de corde rose fluo au bout d’un de ses bâtons pour fouetter la neige en aval de ses skis et avoir ainsi une idée d’où va la pente ! Martine et moi n’avions jamais vu ça tandis que Bernard fait celui qui connait bien ça depuis belle lurette. Il avouera plus tard qu’il a vu faire la même chose… la semaine dernière ! Bref, nous rentrons à tâtons et surtout, nous ne ratons pas le refuge, ouf !
Profitant d’une petite éclaircie vers 13h, Baptiste retourne dans la même direction pour analyser les dépôts de neige. Martine hésite à l’accompagner, mais ne donne pas suite.
Jour 4, samedi 8 – Dômes de Miage, Glacier d’Armancette
C’est le grand jour ! Les prévisions météo se réalisent précisément. Nous démarrons (2602m) à 6h35 au lever du jour. La lune juste descendante est encore haute. Le vent est faible mais le froid mordant. 2 skieurs sont partis un peu avant nous et on ne les reverra que de plus en plus loin bien qu’ils partent trop vers le haut. Baptiste ouvre une trace en légère montée pour s’approcher progressivement du glacier, puis le suivre jusqu’à s’approcher du Col Infranchissable et trouver le soleil. Un peu plus tôt Baptiste a encordé sa petite équipe et donné un coup de main à une skieuse dont les peaux partaient en drapeau ! Plusieurs groupes partis après nous se rapprochent, certains nous doublent plus ou moins élégamment. La trace s’infléchit vers la gauche et se raidit un peu, zigzague entre des zones crevassées et nous conduit vers le Col des Dômes (3564m) que nous dépassons pour atteindre l’arête un peu plus haut. Le vent soutenu soulève de grandes volutes de neige. Baptiste nous ré-encorde plus court et nous incite à beaucoup de vigilance pour suivre l’arête crampons aux pieds et skis sur le sac, et atteindre le Dôme central (3633m) puis le Dôme Sud (3666m) vers 11h15, je crois.
Au sommet le vent est un peu moindre. Nous passons en mode descente avec la recommandation de ne pas nous égayer où bon nous semble en succombant aux délices de la neige fraiche, poudreuse et vierge. Il y a des limites à ne pas franchir pour profiter en sécurité de la superbe descente (1800m D-) qui s’ouvre devant nous.
Sept ou huit personnes nous ont précédés, mais il reste de la place pour faire encore de belles traces sans prendre de risques inconsidérés. C’est un vrai festival, mais ça brule un peu dans les cuisses ! A 2700m, on remet les peaux pour quitter le glacier d’Armancette et rejoindre le point coté 2772m où Baptiste nous montre un joli saut de corniche ! La neige est moins légère (on est en avril, quand même !) mais reste excellente presque jusqu’au point où l’on doit finalement déchausser (env. 1800m).
Il reste 500m à descendre dans les restes de la neige tombée la veille jusqu’à 1400m. Ce n’est pas le meilleur moment de la journée, mais on est tellement content de ce que nous avons fait que l’euphorie nous gagne et nous accompagne jusqu’à la voiture, puis jusqu’à Meylan et même jusqu’en début d’après-midi le lendemain où une terrible nouvelle nous tombe dessus.
Dimanche 9, Pâques – Avalanche dramatique aux Dômes de Miage sur le glacier d’Armancette
24 h après nous, de nombreux randonneurs se pressent aux Dômes pour descendre le glacier d’Armancette. A midi moins un quart, c’est la catastrophe. Près du sommet, une rupture de plaque déclenche une très grosse avalanche qui va balayer une grande partie de la descente sur laquelle nous nous sommes éclatés. 6 personnes y laisseront leurs jeunes vies et laisseront des orphelins derrière eux. C’est horrible !
Les bulletins des risques d’avalanche des derniers jours étaient-ils conformes aux conditions réelles ? On peut en douter. L’enquête mettra-t-elle en évidence des erreurs de skieurs ? Ce n’est pas impossible.
Notre émotion est grande d’être passés près du drame, mais nos pensées vont aux proches des disparus.